Apprendre les plantes alors qu’elles poussent : les bourgeons et fleurs du printemps
Par Samuel LeGresley, coordonnateur des communications
Les érables coulent à flots et les reines bourdons vont bientôt sortir de leur longue hibernation. Mais préparez-vous à être surpris, parce qu’il se passe quelque chose de remarquable : rien de moins que la beauté du printemps dans les bois ! Apprenez à profiter pleinement de cette période en lisant ce troisième volet de notre série Carnet de terrain NB.
Le printemps est synonyme de fonte des neiges et de plantes vertes qui émergent de ce qu’était un tapis blanc.
Oui, le thé des bois (la gaulthérie), le pain-de-perdrix (le mitchella) et les mousses ne sont que quelques-unes des exceptions qui prouvent que la nature est toujours vivante là-dessous. C’est toujours un plaisir pour les yeux de trouver une baie rouge qui se détache du sol brun et verdâtre de la forêt. Certaines de ces feuilles peuvent même être des “fleurs jumelles”, des Linnées boréales (Linnaea borealis), qui attendent le temps chaud pour fleurir.
Mais, chose surprenante, je trouve que même les arbustes et arbres qui sont en fait en dormance, sont tout aussi intéressants.
Lorsqu’on se déplace dans les bois, il est parfois agréable de s’éloigner de notre promenade forestière habituelle pour observer les bords du sentier.
À hauteur d’œil, on peut voir les bourgeons naissants de jeunes érables. On peut y trouver les chatons retombants des aulnes et ceux du noisetier à long bec (Corylus cornuta), beaucoup plus courts que les autres membres de la famille des bouleaux. Ils sont accompagnés des fleurs femelles, à l’extrémité bientôt rouge, sur la même branche. Vous pourrez même rencontrer les panaches des branches de la Viorne bois-d’orignal (Viburnum lantanoides), dont l’extrémité peut ressembler à la tête d’un orignal mâle.
Les bourgeons du printemps ne sont pas toujours faciles à identifier pour les débutants, car ils peuvent passer inaperçus. Au fil des ans, j’ai appris que la meilleure façon d’identifier les plantes consiste à bien connaître l’espèce. Vous pouvez trouver un spécimen ou un groupe de spécimens que vous aimez particulièrement et y revenir tous les mois, toutes les semaines, voire tous les jours si vous le souhaitez, pour constater qu’il a beaucoup ou très peu changé.
Au lieu d’avoir à mémoriser tout un paquet de connaissances, il suffit de se souvenir d’un seul spécimen de plante pour y revenir plus tard et y découvrir un tout nouvel ensemble de caractéristiques.
La “fenêtre du printemps” à venir
En mai, nos précieuses éphémères printanières ouvrent leurs fleurs à la vue de tous. Contrairement à ce que leur nom pourrait suggérer, seules leurs petites fleurs sont éphémères. Certaines de ces plantes vivent pendant des décennies, attendant leur heure pour fleurir dans la lumière fugitive du soleil de la forêt. C’est ce que j’appelle la “fenêtre du printemps”.
Pendant cette période, vous pouvez voir de magnifiques Érythrones. Leurs fleurs de lis jaunes sont comme des étoiles dans la vallée de Wolastoq. Nos trilles ondulés, rouges et penchés, sont accompagnées de nos fleurs de mai (l’Épigée rampante, et le Maïanthème portent souvent ce nom commun), et bien d’autres encore.
Ce laps de temps a une raison d’être bien particulière. Lorsque les températures grimpent, le soleil domine les bois et il n’y a pas de feuilles dans la canopée pour assombrir les fleurs, qui ont besoin de la lumière du jour pour fleurir.
Avant que la végétation verdoyante et dense – ce que j’appelle le “Mur vert” – ne commence à apparaître, le meilleur moment pour identifier les fleurs d’un bon nombre de nos plantes indigènes se situe dans cette fenêtre de temps. Une fois que l’on voit les plantes en fleurs, la partie de notre cerveau consacrée à l’identification des plantes se familiarisera mieux avec elles. Cette période est une excellente occasion d’entrer en contact avec la nature et de tenir un journal sur ce que vous voyez.
Lorsque vous commencez à voir des fleurs, sortez un livre comme ceux de Fleurbec, un site comme GoBotany ou une application comme Seek ou Flora Incognita. Il est fort probable que l’application soit en mesure de faire une recommandation assez sûre, ces outils permettent d’identifier les fleurs beaucoup plus facilement que les feuilles.
Si vous retournez plusieurs fois observer les fleurs au printemps, vous apprendrez à reconnaître les parties communes à toutes les fleurs, celles qui sont propres à seules certaines d’entre elles, ainsi que la manière dont la couleur et la forme de certaines plantes évoluent avec le temps.
Ne manquez pas de zigzaguer le long des sentiers pendant cette période ; c’est une saison merveilleuse. Mon 30-jours préféré de l’année s’étend de la mi-mai à la mi-juin pour cette même raison. Toute cette attente porte enfin ses fruits, et la nature nous rend l’énergie qu’elle a accumulée pendant les longs mois d’hiver.
Notre webinaire sur l’identification des plantes : Décoder le “Mur vert”
J’ai abordé ces sujets, et bien d’autres encore, dans mon récent webinaire sur l’identification des plantes par les débutants. Apprenez à “décoder le Mur Vert” en suivant le lien YouTube ci-dessous.
Poser des questions, tenir un journal
Si la meilleure façon d’identifier les plantes est de les observer, revenons à l’essentiel : prenons un stylo et du papier !
Tout au long de l’année, choisissez un ou plusieurs de vos espaces boisés préférés.
Prenez un carnet de notes et notez ce que vous voyez, ainsi que l’emplacement du ou des spécimens que vous avez choisi(s). Si vous le souhaitez, vous pouvez également ajouter un dessin et noter quelques caractéristiques de la plante.
Prévoyez des questions, et si vous ne pouvez pas y répondre tout de suite, c’est tout à fait normal. Même les plus simples peuvent nous laisser dans le doute toute notre vie.
Voici les questions (très générales) que j’ai trouvées et que vous pouvez choisir d’utiliser aussi :
- Où pousse cette plante ?
- Quel est son habitat ?
- Quelles sont les conditions ?
- Sec, humide, marécageux, inondable, sur des arbres morts, etc.
- Quelles sont les autres plantes présentes ?
- Interagissent-elles entre elles ?
- Qui attire-t-elle ?
- Insectes, oiseaux, mammifères, amphibiens ?
- Est-elle originaire d’ici ?
- De toute l’Amérique du Nord ?
- Est-elle ligneuse ?
- Herbacée ?
- Est-elle une vigne?
- Pousse-t-elle au ras du sol ?
- Quand fleurit-elle ?
- Quand porte-t-elle des fruits ?
Je suis sûr que vous pouvez en trouver d’autres. Dans son approche du journal de la nature, John Muir Laws nous demande de remarquer les choses, de poser des questions et de réfléchir à ce qu’elles nous rappellent. (Voici une ressource en français) C’est un excellent début pour notre voyage exploratoire dans la nature, mais ce n’est certainement pas la fin.
Continuons à documenter la nature, comme le font les ornithologues et les botanistes depuis des siècles. Cela ne nécessite certainement pas de diplôme ; il suffit de sortir, de poser les questions qui nous viennent à l’esprit et de laisser libre cours à notre créativité !