5 Questions avec Mélanie Ouellette

Mélanie Ouellette, originaire de Saint-Basile au Nouveau-Brunswick, est maintenant connue pour avoir fondé la Grainothèque de fleurs sauvages d’Ottawa. De nombreuses plantes indigènes ont vu le jour grâce à cette initiative, et des événements sont organisés dans la capitale de notre pays. L’année dernière, plus de 1 300 personnes et projets communautaires ont reçu des semences, ce qui a permis de faire pousser au moins 156 000 nouvelles plantes, issues de 177 espèces différentes.

Trois ans après la première distribution de semences, interrogeons Mélanie sur ses réussites dans son initiative visant à aider la nature.

Q1. Alors, tu viens du Nouveau-Brunswick, raconte-nous un peu qui tu es et comment tu en es venue à créer une Grainothèque de fleurs sauvages à Ottawa !

Photo : Gracieuseté – Melanie Ouellette

Eh bien, j’ai étudié le développement international à l’Université du Nouveau-Brunswick. J’ai fait des études en sciences politiques et j’ai même obtenu un MBA. J’ai travaillé à la Bibliothèque et Archives Canada, et pendant tout ce temps, j’ai toujours cherché à rendre la science plus accessible. J’ai aussi travaillé dans des communautés autochtones. Pendant des années, j’ai cherché des opportunités de bénévolat qui correspondaient à mes valeurs, mais je ne trouvais rien qui me satisfaisait vraiment. Puis, un moment donné, j’ai assisté à une présentation du Dr. Robin Wall Kimmerer, l’auteure de « Braiding Sweetgrass », qui parlait des changements climatiques. Quelqu’un lui a demandé : « Le monde est en train de brûler, que pouvons-nous faire pour aider ? » Et elle a répondu : « Faites une liste de vos talents, puis trouvez quelque chose qui vous passionne. » Alors, ce soir-là, j’ai fait une liste de mes talents et j’ai réalisé que j’étais passionnée par la lutte contre les changements climatiques, la réconciliation avec les peuples autochtones et l’empowerment des femmes. La seule chose que je pouvais envisager de faire jour après jour, et pour laquelle j’étais suffisamment passionnée, c’était le jardinage. Alors, je me suis dit que le jardinage avec des plantes indigènes était quelque chose que je pourrais faire pour contribuer à ces trois causes. J’ai donc réfléchi aux raisons pour lesquelles les gens ne jardinaient pas immédiatement avec des plantes indigènes dans la région d’Ottawa (…) Le premier obstacle était l’accès aux graines, car il n’y avait personne vendant des semences dans la région. Le deuxième obstacle était le manque d’information sur la façon de jardiner avec des plantes indigènes. J’avais passé tout l’été à apprendre les techniques du jardinage en hiver, le calendrier des plantes indigènes, comment choisir les bonnes plantes, les bons endroits, où les acheter, les écosystèmes, etc. Ce sont là les deux principaux piliers. J’avais passé tout l’été à les comprendre. Mais pour la plupart des gens, non seulement ils n’avaient pas accès aux semences, mais ils devaient aussi apprendre comment faire. J’ai donc créé un groupe Facebook et Instagram pour partager ces connaissances. Comme la plupart des informations sur les bienfaits provenaient de scientifiques, j’ai essayé de les rendre plus accessibles en simplifiant de gros messages en messages clés plus petits, échelonnés dans le temps.

Q2 – Pourquoi est-ce que la personne moyenne devrait se mettre au jardinage avec des fleurs sauvages ou des plantes indigènes ?

Il y a de nombreuses raisons à cela. Personnellement, je pense que nous, les humains, avons tous besoin de nous sentir connectés à la nature. C’est un besoin fondamental. Je pense qu’il est important d’offrir cette connexion à nos enfants. En milieu urbain, on trouve principalement du gazon, mais j’ai grandi à Saint-Basile, près d’un champ et d’une forêt, et j’ai été frappée par le fait que les enfants en milieu urbain n’avaient pas accès à la nature. Pour moi, c’est notre responsabilité de laisser un monde meilleur à ceux et celles qui viennent après nous. Nous sommes confrontés à des problèmes liés aux changements climatiques et à l’eau. Nous pouvons transformer nos villes en éponges grâce aux plantes, ce qui permet de réduire les ruissellements. Les municipalités se concentrent souvent sur la plantation d’arbres, mais elles négligent souvent les buissons et les fleurs, qui font partie intégrante de l’écosystème urbain. Donc, cela comble également une lacune qui n’est pas immédiatement prise en charge par les municipalités. En Ontario, nous sommes confrontés à un problème majeur d’approvisionnement en semences indigènes, que ce soit pour les arbres ou d’autres plantes. Il n’y a pas assez d’offre pour répondre à la demande. Donc, c’est aussi une façon de gérer l’offre de graines en encourageant les gens à s’impliquer. Enfin, il y a le problème général des changements climatiques, et en jardinant avec des plantes indigènes, les gens peuvent contribuer concrètement à résoudre ce problème. Ils peuvent voir des résultats dès la première année, ce qui aide à canaliser leur anxiété liée à l’environnement.

Q3 – Comment fonctionne la Grainothèque au quotidien et à quelle période de l’année ?

Au jour le jour, la dimension éducative ne varie pas beaucoup. La charge de travail reste à peu près la même : trouver des articles intéressants, etc. Nous parlons du fonctionnement général de l’écosystème, de la façon dont il dépend des plantes, afin de ne pas être dogmatiques à propos des plantes indigènes. Nous parlons des abeilles, des espèces importantes, etc. La période la plus chargée va de septembre à février. De novembre à janvier, c’est plusieurs heures par jour avec la participation de plusieurs bénévoles. Ce n’est pas seulement moi qui travaille.

Q4 – Est-ce qu’une initiative comme celle-ci rencontre des défis ?

Au niveau stratégique, le principal défi est d’être pris au sérieux. Malheureusement, en ce qui concerne les changements climatiques et les solutions environnementales, ce qui a beaucoup de visibilité ce sont les grosses choses. Les modes de transports en commun, les arbres, les ours polaires. Sauver les insectes, ça n’a pas beaucoup de traction politique. Sauver les coccinelles, (surtout) les mouches, ce n’est pas « hot » et c’est difficile de le vendre aux politiciens et au gouvernement. Côté opérationnel, c’est de jumeler l’offre et la demande de graines. Ne pas demander aux gens de travailler plus qu’on a de besoin, mais on veut qu’à chaque événement il y ait une demande (assez grande) pour les gens qui s’y présentent.

Q5 – Est-il possible pour chaque ville d’avoir sa propre Grainothèque?

Ce serait vraiment génial. Nous n’avons pas le choix si nous voulons résoudre tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés, car il n’y a pas suffisamment de graines. Au Nouveau-Brunswick, je ne sais même pas s’il y a un distributeur de graines de fleurs sauvages. Il y a de la demande. Il y a plein d’espèces envahissantes, il y a une diminution de la biodiversité, c’est infini. Si nous voulons réduire la surface de nos gazons, ces graines doivent venir de quelque part. Je pense que ce serait l’idéal d’en avoir une partout. Mais à ma connaissance, nous sommes les seuls à avoir ce modèle exact.

Dans un pays où il est difficile de trouver des graines de fleurs sauvages, de telles initiatives peuvent beaucoup aider notre approvisionnement en plantes indigènes. Rendez-leur visite pour en savoir plus sur leur initiative sur https://wildflowerseedlibrary.ca/ !

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