fbpx

Photos : Mark Baran

Recherche sur les oiseaux de mer sur l’île Machias Seal

De Mark Baran

30 JANVIER 2020 — Au large des côtes, à l’embouchure de la baie de Fundy, se trouve une petite île de moins de 25 acres, remplie d’oiseaux de mer. Les macareux moines et petits pingouins se faufilent parmi les rochers, tandis que les sternes arctiques s’envolent au-dessus de votre tête, plongeant périodiquement vers l’imprudent qui s’approche trop près de leur nid. C’est l’île Machias Seal, une véritable Mecque pour les amateurs d’oiseaux de mer de l’est de l’Amérique du Nord.

Chaque mois de mai, des milliers d’oiseaux de mer arrivent sur cette île pour se reproduire. Ils repartent dès que leurs poussins sont suffisamment grands en juillet ou en août. Il y a actuellement sept espèces d’oiseaux de mer qui se reproduisent sur l’île Machias Seal (macareux moine, petit pingouin, guillemot marmette, sterne arctique, sterne pierregarin, océanite cul-blanc et eider à duvet). Cela en fait l’un des sites de reproduction des oiseaux de mer les plus diversifiés de l’est du Canada. Et, les récentes tentatives de nidification de fous de Bassan pourraient bien porter ce nombre à huit.

Avec autant d’oiseaux, l’île est un lieu évident pour la surveillance et la recherche sur les oiseaux de mer. Chaque été depuis 1995, une équipe de terrain de l’Université du Nouveau-Brunswick passe plusieurs mois sur l’île pour observer différents aspects de la vie des oiseaux de mer. Les projets de recherche en cours portent sur trois aspects principaux de leur écologie: la survie, le succès de reproduction et le régime alimentaire.

Observation Blinds at Machias Seal Island, Photo by Mark Baran

Figure no. 1 Les caches d’observation sont utilisées pour effectuer des relocalisations d’individus et la surveillance d’approvisionnement. Les toits sont un lieu de repos populaire pour les macareux. Photo de Mark Baran

Recherche sur la survie

La recherche sur la survie est basée sur des données de baguage à long terme, réalisée sur l’île Machias Seal mais aussi sur plusieurs autres îles du golfe du Maine. Les oiseaux qui nichent sur ces îles se déplacent et se dispersent entre les colonies dans le cadre d’une métapopulation s’étendant à l’ensemble du golfe du Maine, plutôt que de représenter des membres de colonies distinctes.

La première étape d’une étude de baguage consiste à placer des bagues portant un numéro unique sur les oiseaux. Pour ce faire, nous capturons les adultes des macareux moines, petits pingouins et sternes tôt dans la saison de terrain avec des pièges à caissons ou à pédales. Tous les oiseaux que nous attrapons sont pesés, bagués et mesurés avant d’être relâchés. Tard dans la saison, les poussins sont bagués au nid avant de pouvoir prendre leur envol et échapper à la capture.

Tagged Puffin at Machias Seal Island, Photo by Mark Baran

Figure no. 2 Un macareux portant un géolocalisateur (dispositif associé à une bague de jambe verte) retourne dans la colonie avec du poisson pour son poussin. Photo de Mark Baran

Les estimations de survie sont basées sur des observations d’oiseaux bagués, qui se présentent sous la forme de recaptures ou de relocalisations visuelles. La recapture s’effectue sensiblement de la même manière que la capture initiale. Les observations pour leur part, s’effectuent à l’aide de lunettes de repérage ou de jumelles qui permettent de lire les numéros d’identification à distance sur les individus bagués. Les numéros de bague sont ensuite entrés dans une vaste base de données d’oiseaux de mer du golfe du Maine où il sera ensuite possible de consulter leur historique de bagage et donc de déplacement. Certains des oiseaux que nous voyons ont été bagués pour la première fois il y a plus de 20 ans.

Recherche sur le succès de reproduction

L’île Machias Seal étant avant tout une colonie de nidification, les taux de réussite de la reproduction sont un indicateur clé de la situation des oiseaux. Nous surveillons un sous-ensemble de nids de plusieurs espèces tout au long de la saison.

Les sternes construisant leurs nids sur le sol ou dans la végétation, nous signalons les nouveaux nids dès leur apparition. Une fois que les poussins sont éclos, nous mesurons périodiquement leur poids et leur longueur d’aile pour vérifier le taux de croissance. Les poussins sont considérés comme prêt à l’envol à l’âge de 20 jours et à ce moment-là, certains pouvant effectivement voler il serait très difficile de les attraper.

Arctic Tern at Machias Seal Island, Photo by Mark Baran

Figure no. 3 Les sternes arctiques construisent leurs nids sur des rochers, du gravier ou de la végétation. Ils pondent généralement un ou deux œufs. Photo de Mark Baran

Les macareux moines, petits pingouins et océanites étant des nicheurs de cavités, ils pondent leurs œufs dans des terriers de terrassement excavés ou des crevasses rocheuses. Nous vérifions la présence d’un œuf sur certains terriers au début de la saison, puis nous vérifions à nouveau quelques semaines plus tard pour voir s’il y a un poussin. Le suivie des poussins est fait un peu comme pour les sternes. Pour le macareux moine et le petit pingouins, une fois que les poussins sont en âge d’envol, nous vérifions les terriers tous les deux ou trois jours pour voir s’ils ont quitté le terrier pour commencer leur vie en mer. Les poussins d’océanites cul-blanc n’ont pas encore l’âge suffisant pour l’envol au moment du départ de l’équipe de recherche en août. Nous ne pouvons donc pas surveiller le succès de cet envol.

Recherche sur l’alimentation

Après l’éclosion des œufs, les oiseaux de mer adultes doivent continuellement apporter de la nourriture pour les poussins. Heureusement pour nous, de nombreux oiseaux de mer ramènent leurs proies (généralement des poissons) en entier dans leur bec. Nous passons une bonne partie de notre temps en juin et juillet à surveiller le nourrissage à partir de caches. Nous observons un ensemble de nids pendant trois heures et enregistrons chaque alimentation effectuée par un adulte. Pour chaque alimentation, nous notons l’espèce de proie, le nombre, et la taille approximative par rapport à la longueur du bec de l’oiseau. Pour compléter la surveillance de ravitaillement, nous collectons des échantillons: à la fois opportunément de proies abandonnées dans la colonie et aussi d’échantillons du régime alimentaire des macareux recueillis au moyen de filet japonais. Nous pesons et mesurons le poisson collecté pour évaluer approximativement la masse de proie apportée pendant l’approvisionnement.

Recherche étudiante sur le mouvement hivernal

Les recherches en cours sont utiles pour comprendre la vie des oiseaux dans la colonie, mais nous ne savons pas grand-chose de leurs habitudes hivernales. Pour remédier à cela, nous avons déployé des balises de géolocalisation sur les macareux moines, les petits pingouins et les guillemots marmettes afin de voir où ils vont et d’essayer de déterminer les conditions qu’il doivent affronter.

La plupart des macareux passent les mois d’automne et d’hiver autour du golfe du Maine, puis se déplacent vers le sud (jusqu’au cap Hatteras) en février et en mars avant de revenir dans la colonie en mai. Les petits pingouins suivent une stratégie similaire, généralement plus près de la côte que les macareux, certains individus passant une partie de l’hiver dans la baie de Fundy.

Trois des cinq guillemots marmettes marqués sont restés dans le golfe du Maine pendant l’hiver, tandis que deux se sont rendus à Terre-Neuve pour l’automne. Ces deux individus, ainsi que quelques macareux et petits pingouins, se rendent probablement dans cette région pour se régaler de l’abondance saisonnière de capelans. Malheureusement pour les guillemots, ils peuvent devenir eux-mêmes une proie lors de la chasse au « Turr », où les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador recherchent cette source de nourriture traditionnelle (Turr est le nom local du guillemot).

Overwintering Movement of Common Murres at Machias Seal Island, Photo by Mark Baran

Figure no. 4 Carte illustrant le mouvement hivernal de deux guillemots marmettes vers Terre-Neuve. Les données sont obtenues grâce à des balises d’archivage géolocalisateur léger (GLS) SSAS. Photo de Mark Baran

L’avenir de ces oiseaux de mer est quelque peu incertain. Alors que nous avons observé des changements dans le régime alimentaire et le réchauffement des eaux, les oiseaux ont encore des saisons de reproduction positives. Cependant, comme beaucoup de ces oiseaux de mer vivent longtemps (certains plus de 30 ans), nous ne pourrons peut-être pas discerner les changements au niveau de la population avant plusieurs années. Ce n’est qu’une des nombreuses raisons pour lesquelles nous allons continuer chaque été à surveiller et à étudier les oiseaux de mer de l’île Machias Seal. 

Laisser un commentaire

Retour en haut